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Pourquoi le top management redoute-t-il la transformation digitale ?

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29 Mar 2018

Kenza Bouhalissa

L’importance de la transformation digitale est indéniable pour la majorité des chefs d’entreprise, pourtant beaucoup d’entre eux peinent à faire le saut. En effet, les recherches démontrent que « 90% des chefs d’entreprise sont persuadés que l’économie numérique aura un impact considérable sur leur industrie. Néanmoins, moins de 15% financent et mettent en place une stratégie de transformation digitale ». Ces pourcentages nous poussent à nous poser une question primordiale : quelles sont les craintes du top management face à une transformation digitale et comment y remédier ?

 

Le changement fait peur…

Le top management est bien conscient qu’une révolution s’impose : le digital fera désormais partie intégrante de son activité et remodèlera à l’avenir la structure et les méthodes de travail de toute entreprise. Mais, un dirigeant cumulant des années d’expérience en utilisant avec brio des méthodes de management classiques aura bien du mal à songer à un quelconque changement. En effet, se digitaliser revient à travailler différemment : réorganisation des ressources, suppression de postes, recrutement de nouveaux talents, ou encore imposer une nouvelle forme de communication avec les différentes parties prenantes.

 

Envisager donc de conformer ses méthodes de travail et de management à l’ère du digital pousse le top management à remettre en cause les systèmes managériaux préétablis, prévoir une rupture fondamentale et s’ouvrir à de nouveaux systèmes managériaux qui favorisent la proximité avec ses collaborateurs.

 

Autorité horizontale, structure plate, circuit de communication court, responsabilisation et autonomie des équipes, ouverture, mobilité, tant de termes privilégiés dans la transformation digitale et qui mettent l’humain au centre du changement.

 

Winston Churchill disait : « Mieux vaut prendre le changement par la main avant qu’il ne nous prenne par la gorge ». Bien qu’aujourd’hui l’instabilité devient la norme, un chef d’entreprise avisé se doit de maîtriser les méthodes de conduite du changement,  afin que ce dernier soit délibéré et non imposé par l’environnement externe. Cela lui permettra de prendre le temps nécessaire pour insuffler au sein de son organisation une culture digitale comprise par tous mais aussi de faire face aux résistances en communiquant aux différentes parties prenantes une vision claire des objectifs à atteindre.

 

Face à la peur de l’échec, beaucoup reculent !

Le dirigeant a pour principal objectif la réalisation du profit tout en réduisant les coûts, il a ainsi la responsabilité de proposer et de piloter des projets d’investissements rentables. Néanmoins, la réussite d’une transformation digitale dépend de plusieurs facteurs : une réactivité face à un environnement en constante évolution, la maîtrise de l’outil mis en place, l’adhésion des collaborateurs, la satisfaction du client, etc. Le retour sur investissement n’est donc pas assuré à court terme. Mais exposées à l’éventualité de leur propre disparition, beaucoup d’entreprises comprennent bien que cette « prise de risque » devient une mesure tout à fait salutaire. Pour reprendre la phrase de Maurice Lévy, PDG de Publicis : « Tout le monde a peur de se faire Uberiser ». Un des exemples les plus édifiants de ce phénomène étant Nokia, leader du marché de la téléphonie en 2011, mais qui ne souhaitait pas participer à la révolution du smartphone et qui a fini par disparaître en 2014 pour devenir Microsoft Lumia.

 

Évidemment, il n’est pas question d’investir trop ou pas assez car cela mène assurément à l’échec. Pour réussir sa transformation digitale, le top management devra trouver le bon équilibre entre ses besoins et ses capacités. Pour ce faire, il aura à analyser ses besoins tout en prenant en considération les ressources disponibles afin de proposer une stratégie ambitieuse mais surtout réaliste. Identifier la vision, la mission, les valeurs et les objectifs de l’entreprise constitue la première étape du processus de la transformation digitale. Cela revient à se poser plusieurs questions : le top management cherche-t-il à améliorer son processus de chaîne de valeur ? À mieux identifier son client ? À améliorer la communication avec ses collaborateurs ? Ou à aller vers une disruption digitale totale ? Des questions qui permettent de cerner les besoins actuels et futurs de l’entreprise afin d’innover et d’acquérir un avantage concurrentiel.

 

Pour faire ce travail délicat, plusieurs options s’offrent au top management, faire appel à un cabinet de conseil en transformation digitale, recruter un directeur digital (Chief Digital Officer en anglais) ou encore créer une équipe en interne pour conduire le changement. Ce qui permettra de recenser les besoins de tous les départements, d’analyser le potentiel de son entreprise et de mettre le client au cœur de sa stratégie.

 

Faire son diagnostic et déterminer sa stratégie constitue une étape nécessaire mais non suffisante à elle seule dans le processus de transformation digitale. Pour faire partie des 15% des dirigeants qui passent à l’action et donc financent et pilotent leur transformation, il faudrait que le top management définisse un plan d’action clair et facile à suivre et à ajuster. Selon une étude menée par Capgemini Consulting avec le MIT, les entreprises les plus avancées en transformation digitale présenteraient une rentabilité supérieure de 26 % par rapport aux autres. Ces chiffres montrent que ce qui peut paraître coûteux et pénalisant la rentabilité des prochains trimestres représente un réel avantage futur pour les entreprises qui font un suivi rigoureux de leur plan stratégique, en gros : le changement en vaut la chandelle.

 

Le manque de compétences en digital, frein à la transformation

De nos jours, un manager se doit également d’être un leader impliqué. Ainsi, on ne peut exiger des collaborateurs une utilisation et un maniement optimal de certains outils si le manager lui-même ne les maîtrise pas. En effet, les dirigeants d’aujourd’hui n’ont, dans leur grande majorité, pas été formés aux méthodes de management digital et leurs connaissances quant à l’utilisation des outils numériques restent limitées, ils peuvent alors être considérés comme un handicap si toutefois ils n’y remédient pas.

 

Selon George Colony, PDG de l’Institut Forrester : « Si vous ne pouvez pas comprendre le nouveau monde du digital, licenciez-vous. Créez un management qui soit digital first. Assurez-vous qu’il y ait bien un expert technologique au comité exécutif. Si votre board a un faible niveau digital, votre entreprise aura un faible niveau digital. »

 

Quel que soit le nombre d’années d’ancienneté, le top management est donc contraint de sortir de sa zone de confort, d’analyser davantage ce qui se fait sur le terrain, de s’informer mais aussi de se former à ces nouvelles technologies. Cela permet tout d’abord une compréhension plus claire du concept de la transformation digitale mais également une intégration plus facile auprès de ses collaborateurs.

 

Pour pallier ce manque de compétences en digital, le recrutement d’un directeur de la stratégie digitale (Chief Digital Officer en anglais), membre du comité exécutif, constitue une solution optimale pour minimiser le risque d’échec. Le CDO aura pour responsabilité de mener à bien la transformation digitale et contribuera fortement à former le top management à l’utilisation des nouvelles technologies.

 

En plus des compétences « techniques », le manager doit maîtriser les nouvelles approches managériales. En effet, un logiciel ne remplace pas un manager. Olivier Zara, dans son livre Le Manager digital, nous explique qu’à l’ère de la transformation, il ne s’agit pas de moins manager mais de mieux manager en utilisant des outils qui s’intègrent facilement aux processus et qui peuvent être modifiés et adaptés selon les besoins de l’organisation. On parle de dématérialisation des réunions, de reverse mentoring, d’applications collaboratives, de workflows métiers ou administratifs, etc.

 

Une certitude : nul ne peut échapper à la transformation digitale. De nouveaux leaders émergent et bousculent les marchés traditionnels tels que dans le secteur des banques (PayPal), le secteur de l’hôtellerie (Airbnb) ou encore le service des taxis (Uber). Dans un environnement dynamique, le top management doit s’engager, intégrer et adopter des méthodes de travail avec les technologies les plus récentes et émergentes. Il devra dépasser ses craintes d’échec et de changement, pallier le manque de compétences, instaurer une culture digitale au sein de l’entreprise, déterminer et piloter une stratégie claire mais surtout impliquer toutes les parties prenantes.

 

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